La pièce est sombre, triste et désordonnée. Au milieu de cette dernière, un homme d’une quarantaine d’année est assis dans un fauteuil, face à un tableau et les jambes croisées sur la table basse. Son regard fixe de manière démentielle le tableau. Il est encombré de grafitis en tout genre, de détails, qui depuis qu’il est ici a noté et assemblé. Rien, aucune piste. Il ne sait toujours pas. Pourquoi ?
Pourquoi est-il ici, dans un monde purement imaginaire où les gens sont constamment prisonniers de leurs rêves… Il cherche, cherche et cherche encore… C’est devenu un obsession, une hantise. Il doit trouver, il doit fuir ce monde et trouver la réponse. Trouver la réponse à l’énigme…
Il a pourtant tout essayé… Il a même essayé de savoir : pourquoi lui et non quelqu’un d’autres ?. Ressassant de vieux souvenirs, l’homme éteint sa cigarette ; toujours fixant ce tableau obsessionnel. Et si le problème était antérieur…


Plus vieux souvenir. Flou.

« Remus Caesar McFly ! »
Le petit garçon aux yeux bleus continue de regarder la pluie coulant sur les carreaux avec un grand débit. Pourquoi pleut-il alors qu’il y a quelques instants, le ciel était clair ?
« REMUS »
Brusque retour à la réalité. Le garçon tourne légèrement la tête, comme fâché d’avoir été interrompu dans sa réflexion. La maîtresse fixe le tableau, où une addition est à résoudre. Ca doit être son tour. A vrai dire, il n’en sait rien. Absolument rien, car il n’a rien écouté. Il se lève, de son habituelle démarche sûr et rapide. Les élèves de sa classe murmurent des choses et ricanent au fur et à mesure qu’il avance vers le tableau.
Il y est maintenant arrivé. Le tableau est immense, et d’un noir intense. La maîtresse lui tend gentiment la craie. Il s’en saisit et reporte son attention sur le tableau.
Remus penche la tête et observe les inscriptions au tableau. Rien de plus facile. Sans mettre de retenue, sans hésitation, et sans regret, il écrit d’une main rapide et assurée la réponse.
Mrs Figuy le regarde en soupirant. Ce petit génie a encore trouvé. Comment être constamment dans la lune et arriver à avoir un niveau pareil ? Certaines choses ne s’expliquent pas… L’ingéniosité en est une.
Ingéniosité, du latin In Genius, celui qui a le génie en lui.
Tel était Remus quand il était enfant. Mais l’homme qu’il était devenu savait, que ce n’était pas durant son enfance que tout avait basculé.

Deuxième souvenir, Né pour la Science. Extrêmement flou.

Le décor change à nouveau dans une explosion de noir et de blanc. Remus se souvient…

Un jeune homme à fier allure monte les marches de l’Université d’Ottawa. A son aspect, personne ne pourrait se douter que le garçon est un futur prodige.
Veste en cuire, Ray-Ban sur les yeux et joint à la main, il semble réfléchir en observant l’entrée de l’Université. Son regard est un peu vague, sûrement du aux toxines qui commencent à faire leur effet. Mais en fait, il est habitué. Il peut réfléchir sans ça.
Un professeur descend les marches rapidement, sa sacoche à la main. Il est propre, bien habillé et âgé. En fait, c’est l’inverse complet du garçon qu’il a en face de lui. Ce dernier s’arrête et fixe la grosse cigarette que le jeune homme a dans ses mains. Avec un soupire de dédain, le professeur demande simplement :
« Excusez moi, connaissez vous un jeune homme du nom de Remus McFly ? »

« Ouais, c’est moi ».

Le professeur écarquille les yeux. Comment un jeune homme de cet effet là peut-il avoir sauter deux années et se présenter à l’Université ?

« Ah… Je ne m’attendais pas… A ça. Venez dans mon bureau… Nous allons remplir tout les deux les papiers administratifs pour votre entrée à l’université… Par contre, éteignez votre machin. Ceci n’est pas autorisé dans l’enceinte de l’établissement… »


Remus n’écoute pas, il semble complètement absent. Quelque chose le préoccupe. Un homme en imperméable le suit depuis beaucoup trop longtemps… Oui, il se souvient… Cet homme.
Son cerveau s’illumine et réfléchit à toute vitesse. Pourquoi était-il suivi ce jour là ?..

Le souvenir est réellement trop flou. Mais il retient encore nettement la silhouette de ce personnage… Où est ce qu’il l’a vu déjà ? Ah. Il se souvient.

Troisième souvenir : Et Dieu créa les cons.

Remus est désormais diplômé. Double doctorat de Physique Théoriques, et brillant chercheur en Théorie des Cordes ; il est devenu un homme accompli. Sa barbe négligée est toujours présente. Son style lui a grandement changé. Habillé proprement dans un costume bien taillé, son charme est multiplié par dix. Ses jambes sont posées sur une table d’amphithéâtre, ses Nikes visibles par tous. La conférence a déjà commencé depuis une heure. Les gens dévisagent cet homme qui visiblement ne sait pas se tenir en Conférence. Mais tout le monde le reconnaît… Ce petit génie de la physique…

Là, dans l’immédiat, le sujet et la conférence ne l’intéresse pas. Il fixe un homme qu’il a déjà vu… Où, il ne sait plus. Quand, il ne sait plus. Mais il a déjà vu ce bonhomme en imperméable. Continuant de le fixer, Remus joue tranquillement avec un stylo, gardant une oreille sur le thème de la conférence. Soudain, son attention se reporte sur cette dernière. L’interlocuteur vient de dire une ânerie. Enorme même. L’attention qu’il avait pour l’homme en imperméable disparaît… Lui aussi d’ailleurs…

Soudain, Remus prend la parole assez fort pour que tout le monde puisse l’entendre.

« Professeur Hadly, ou devrais-je dire Dydy, comme on t’appelait à la FAC. Tu crois vraiment que ta Théorie tient le coup ? Arrête de plaisanter, et si tu veux mon avis, tu ferais mieux d’aller t’occuper de ta femme. Il paraît qu’elle est dans les Vestiaires de l’équipe de Football, The Bucaneers ! »

L’homme en bas de l’amphi-théâtre devient rouge de colère. Cependant, il arrive à se maîtriser. Après tout, s’énerver contre McFly, c’est lui donner raison.

« Vraiment Remus ? Alors, si tu me démontres que ma Théorie est fausse et absurde, je te démontre que ma femme est avec cette soit disant équipe de foot ! »

Un sourire dément se dessine sur les lèvres de Remus. Un sourire sadique, et de satisfaction totale.

« Pas de problème ! »

De manière théâtre, l’homme descend les marches de l’amphithéâtre, pour arriver à niveau du Professeur. D’un geste simple, il se saisit de la craie et commence à griffonner quelques inscriptions.

« Tu te souviens de cette équation ? » demande Remus amusé.

Le public regarde alors l’équation avec intérêt, ne savant pas si le responsable de ce désordre est sérieux ou non.

« Bien sûr que je m’en rappelle. C’est celle qui démontre que les Dimensions sont liées par des canaux énergétiques. Tu sais, Remus, c’est l’objet de ma théorie… »

« Ah, et bien… »

D’un geste ample et rapide, le Docteur McFly commence à griffonner à la suite de l’équation. Le public marmonne son mécontentement et son scandale, le ton montant petit à petit au fur et à mesure que Remus écrit sur le tableau.
D’un air satisfait, il se retourne vers son ancien collègue de FAC.

« Tu sais ce que ça veut dire ça ? Que cette putain de variable là, est totalement absurde et inexistante. »

D’un geste magistral, Remus entoure à la craie la variable F.
Les murmures cessent aussitôt dans la salle. Puis le silence se fait, chacun relisant la démarche du Docteur McFly.

« A croire que le titre de Professeur se donne à n’importe qui ! Remarque, depuis qu’Internet est là, tout le monde est Professeur hein !»
Remus continue d’écrire sur le tableau, mais ce qu’on peut y lire, c’est un numéro de téléphone.

« Ca c’est le numéro du Capitaine des Bucaneers. Je te conseille de le contacter maintenant, avant qu’ils n’aient consommé ! Et maintenant, je me casse ! Parce qu’on a assez perdu de temps ici ! »

C’est alors que Remus quitte la salle dans un brouhaha infernal. Son sourire sadique au coin des lèvres. Comme dit son meilleur ami… « Tu es un génie… Mais tu ne peux pas t’empêcher de semer le trouble et la désolation sur tout ce que tu touches Remus… »

Le décor explose à nouveau dans une danse de noir et blanc. Cette fois-ci, ce souvenir est beaucoup moins flou, beaucoup plus net et précis que les autres. Car il est plus récent, et c’est sûrement le plus important que Remus est récolté jusqu’à présent.

Le Jour J.

La moto de Remus déboule à toute allure de l’avenue centrale de Boston. A cette heure ci, embouteillage pour la ville entière… La ville entière ? Non ! Car au pays des bouchons, le motard est roi. Dans un grondement sourd, Remus double la longue file de voiture. Ses sens en extases, la vitesse augmente petit à petit. Que c’est bon d’être libre. Cette conférence sur la physique élémentaire l’a ennuyé. Les avis multiples qu’il n’arrête pas de recevoir par mail le rendent fou. Remus a besoin d’air. Et sans son casque, l’air est bien plus respirable !
L’homme slalome sans problème avec la dextérité d’un champion de course à travers les voitures. Chaque geste est calculé, chaque virage prit avec soin. Rien n’échappe au cerveau du génie. Enfin, presque rien… Le Feu passe au rouge. Oh, tant pis. Accélération.
Ricanant aux éclats dans le vent et à toute vitesse, Remus respire. Loin du travail, loin des emmerdes…
Enfin, loin des emmerdes… Pas tant que ça en fait. Deux motards le doublent à toute allure. Criant de joie dans un premier temps, il pense avoir à faire à des concurrents.
Jusqu’au moment où il reconnaît les couleurs des motards… Bienvenue à la Police !
Comme lui indique le grassouillet qui pilote la moto trop puissante pour lui, Remus se rabat. Putain de merde. Il manquait plus que ca.

Remus se stoppe, attendant que l’un des motards viennent à lui.

« Bonsoir Monsieur, vous devez sûrement savoir pourquoi je vous arrête… »

« Je roulais trop prêt du Soleil Jaune, et vous croyez que j’allais récupérer mes pouvoirs pour tuer Lex Luthor ? »


« Monsieur, ne faites pas le malin. Vos papiers. »

D’un geste lent et calme, Remus sort de sa veste son portefeuille, le tendant à l’agent.

« Docteur Remus McFly, intéressant… Je pensais que les gens comme vous était assez intelligent pour savoir qu’il ne faut pas être au dessus des lois. »

« Et moi, je sais bien que des gens comme vous sont trop cons pour faire autre chose que Flic.. »

C’était visiblement un sujet qu’il ne fallait pas aborder. Le policer grimaça et sorti un petit carnet.

« Vous les Canadiens, aucun respect pour autrui. Bien, résumons. Non port du casque, excès de vitesse en zone limitée à 50, non respect des signaux principaux de circulation, alcoolémie probable... Et… »

Un sourire se dessina sur les lèvres du policier, comme si il était fier de son petit pouvoir.

« Outrage à agent. »

« Outrage à agent ??? Vous plaisantez peut être ?! »

Remus descendit de sa moto, il devait être de la même taille que le policier. Il fixa son collègue dans l’espoir qu’il intervienne. Mais visiblement ce dernier s’en fichait éperdument.

« D’accord d’accord… Bon, ben si y’a outrage à agent, autant aller jusqu’au bout ! »

Soudain, Remus bougea à toute vitesse et fracassa son poing contre le nez du policier. Il y eut un crac sonore. L’autre policier sauta sur le motard, et se fut le trou noir.


Deux heures plus tard, réveil en cellule.

Quand Remus reprit connaissance, il était allongé sur une couchette rigide, propre aux cellules de commissariat. Ses pensées et ses sens lui revinrent peu à peu. Ses capacités de réflexions commencèrent à reprendre le dessus sur l’alcool, et il se sentait un peu honteux. Mais il ne fallait surtout pas le montrer. Deux femmes étaient avec lui en cellules. Par leurs têtes ravagées par la drogue et leurs tenues, Remus devina qu’il s’agissait de prostituées.

« Vu le contexte et le lieu, je pourrais peut être avoir une ristourne non ? » dit-il en se redressant
La plus vieille d’entre elle se tourna vers lui, et dans un accent espagnole, lui envoya.

« Ferme ta gueule connard. »

« Ah, ces Cubains, depuis que le Che est mort, il faut qu’il nous envoie leurs putes ! »

Mais la conversation fut interrompu par un homme qui entra dans la cellule. Il était vêtu d’un chapeau, et d’un imperméable. Remus le connaissait. Il l’avait déjà vu en quelque part.

« Tiens, vous êtes le mec qui me suit depuis que j’ai 10ans et demi non ? »

Mais l’homme ne lui répondit pas. A la place, il lui tendit un petit paquet, et sortit de la cellule, comme si de rien n’était en la fermant derrière lui.
Les questions affluaient dans l’esprit de Remus. Qui était cet homme qui le suivait depuis si longtemps ? Et que signifiait ce fichu paquet ?
De toute évidence, il lui était destiné. Et comme le mystère semblait être résolu, Remus ouvrit le paquet d’un coup sec.
Un disque, des années 80, a en juger par l’état. Il commença à tourner, tourner tourner. Une musique puissante commença à retentir. Une lumière éblouissante… Les sens de Remus devinrent un Chaos impénétrable.
Puis ce fut un second trou noir.

Remus observa le tableau encore un long moment. De ce souvenir, il n’arrivait à rien en tirer. Quelque chose lui manquait. Quelque chose n’allait pas…Il manquait une pièce au puzzle pour résoudre le mystère… Et il était bien résolu à le résoudre, pour sortir de cet Enfer.
Il avait assez réfléchi pour la journée.
D’un geste rapide, il se leva et se saisit de son fusil qui était à côté de lui. Il jeta un coup d’œil entre deux planches qui cachait ses fenêtres. Personne. Tant mieux.
Il sortit dehors, son fusil à coté de lui.
L’air était trop pur, la végétation trop parfaite, les rues trop alignés, les gens trop souriant. Personne ne semblait se soucier qu’un homme armé se dirigeait vers sa moto. Personne ne lui avait volé, car ici, tout allait bien. Les gens lui dirent bonjour, reconnaissant l’homme comme un vieux fou. Mais il poursuivait leur chemin en souriant.
Il fallait vraiment qu’il sorte d’ici. Et ce, quelqu’en soit le prix.
D’un coup de pied, il démarra la moto de ses rêves, qu’il n’avait jamais pu se payer dans le monde réel.
Cela faisait une semaine que Remus était bloqué ici.
Une semaine de trop.

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